carte XI
LA FORCE
"je vous attendais"
Je vous attendais depuis fort longtemps…
Vous étiez si loin de ma personne, de ma vie.
Une sourde inquiétude rongeait mon enfance
Autour de la famille, des secrets, beaucoup de secrets…
J’étais l’un d’eux !
C’est lourd le poids d’un secret.
À l’adolescence, en toute conscience des conditions humaines,
j’ai appelé la Force.
Je la voulais en moi, en ossature.
Elle était lointaine, dure, rigide comme un acier trempé.
Je l’ai travaillé, retravaillé sans relâche.
Les heurts, les drames se sont succédé nombreux.
Ils me façonnaient. Je ne me dérobais point
Les pieds plantés dans la terre, les poings sur les hanches,
je me nourrissais des épreuves
parfois, les entrailles saignaient, léchées, elles guérissaient.
Les cicatrices des guérisons successives s’empilaient les unes sur les autres.
Un jour, une forme de sérénité s’est invitée.
Mes entrailles se sont rangées là où était leur place.
La Force était en moi, partenaire de ma vie.
Le temps passe et parfois, je me coule dans la facilité.
La Force ne manque pas alors de se rappeler à moi !
Têtue, elle s’impose, m’interroge ?
- «Que fais-tu ?»
- «Que deviens-tu ?»
D’autres questions affluent. Une réponse s’avère obligatoire !
Je lui dois fidélité.
Mireille
carte VIIII
L'HERMITE
"Je suis arrivée au bout du chemin, la ou l'impensable se présente comme un abime"
Je suis arrivée au bout du chemin
quel chemin ?
Quel bout ?
Tout a-t-il une fin ? Ou est-ce le début d'autre chose ?
Je suis arrivée au bout du chemin la ou l'impensable se présente comme un abime
je ne suis pas triste
sur le chemin qui m'a amené au point où je suis arrivé, je peux me poser, faire un point, faire un bilan de ce qui est
dès cet instant déjà mon passé
la route fut longue, semée d'embuches, de joies, de bonheurs éphémères, de doutes, d'espoirs,
ce n'est pas tout je sais qu'il y a autre chose, une autre voie,
une autre vie,
j'entends une voix, un espoir l'impensable se présente comme un abime, l'impensable, l'inespéré, l'attendu, ce dont
j'ai toujours rêvé sans me l'avouer, impensable par sa grandeur, par la force qu'il impulse.
Je vais plonger dans cet impensable abime, un petit saut dans l'inconnu, un saut dans une vie meilleure, une vie
surtout à moi, et même si elle ne devait durer que quelques jours comme la vie d'un papillon, j'ouvrirai mes ailes en grand et je foncerai pour voir ce qu'il y a derrière l'abime, j'imagine, des
moments sublimes, des rencontres fortuites et généreuses, j'imagine des instants de rire, de plaisir.
Je vais ouvrir la porte d'un autre chemin ou dorénavant l'impensable bonheur sera mon quotidien. Il me reste à choisir
si je souhaite être accompagnée sur ce nouveau chemin de douceur loin des pleurs, des rumeurs, des rêveurs et des ronchons.
Elisabeth Capuana
carte XII
LE PENDU
La lumière vive circule dans l’obscurité du sang.
Pendu, la tête en bas, je suis.
Vais-je vivre ou cesser de respirer ?
Triste, je ne le suis point !
Je vois et sens le monde tel que je ne l’avais jamais imaginé.
La terre humide m’offre la proximité de son humus.
Parfums profonds, étranges me frôlent.
Mélanges de vies souterraines en gestation et de mort.
Je relève mon regard, les bourgeons d’un rosier
laissent apparaitre un morceau de chair rose tendre.
Mes yeux s’élèvent plus haut et rencontrent des visages humains,
certains très beaux, d’autres ingrats, burlesques…
J’imagine pour chacun d’eux, une vie, un destin.
Les rires des enfants m’étonnent. Est-ce de moi que l’on se moque ?
J’abandonne les humains pour entrevoir les cieux.
Des merveilles d’un bleu infini, parcourues par de petits nuages clairs.
Et ce vent léger qui balaie en douceur mon visage.
Quelle sera la sentence des hommes ?
Mon méfait ne justifie pas un grave châtiment : une pomme, une petite pomme, un minuscule fruit, volé et mangé avec
appétit.
Je veux vivre longtemps, goûter à tous les fruits défendus.
La lumière vive qui circule dans mon corps renversé noie l’obscurité du sang.
Léger, je me balance, j’attends, confiant !
Mireille
carte XX
LE JUGEMENT
(L'avant-dernière carte du tarot)
"D'incarnation en incarnation, de transformation en transformation, avec certitude,
avec la joie constante, je te permets d'être ce que tu as toujours été : un ange, émissaire de Dieu" (Jodorowsky)"
J’ai franchi une frontière, je suis en train de terminer ma mutation, ma mue, comme la tortue qui chaque année laisse
en route ses écailles de la saison précédente, j'avance, je crée mon destin, je crée, j'imagine ma vie, je la renouvelle, j'avance dans l'inconnu et pourtant je sais très bien où je veux
aller
le temps, je lui demande clémence et longévité
la santé, je lui demande la même chose
d'ailleurs hier, j'ai décidé d'être aimable avec moi, de faire le premier pas pour m'aider à durer. Je ne peux
qu'aider, mon destin peut me dépasser
je suis dans la joie, la joie de la découverte, la joie de la création, la joie du partage, la joie est ma joie,
je suis un ange avec mes forces et surtout mes faiblesses, j'imagine que mes faiblesses sont mes forces et mes forces
mes faiblesses
je ne suis pas infaillible, je n'aimerais pas, pas de remise en question, pourtant j'aime être comme je suis, je suis
le jugement, j'essaie de ne pas juger, j'essaie de voir, parfois, le côté lumineux de la vie
je cherche, je m'épuise, je trouverai
enchantement, désenchantement,
ne pas hurler avec les loups !
J’ai perdu des certitudes, j'en ai gagné d'autres, plus fortes, plus belles, plus détachées, plus vraies, plus
sincères, autrement sincères.
J’ai déjà vécu plusieurs vies, incarnée, désincarnée, enchantée, désenchantée, aimée, moins aimée, ou peut-être pas, au
fil de mes transformations, des mutations de ma vie, des mutations que j'ai voulu ou que j'ai suffi, chaque jour te fait avancer, chaque jour est un jour nouveau qui te fait voir la vie
autrement, un jour bien, un autre moins bien,
aujourd'hui, je suis bien, la mutation continue, je ne juge pas, j'avance, je vais mon chemin, j'essaie d' y entrainer
ceux que j'aime, que j'estime, il ne faut pas que je m'oublie au passage, la vie est courte
que se dira-t-il de moi au jour du jugement dernier ? ou pour commencer au jour de mon dernier jour, qu'importe je ne
serai pas là pour l'entendre, j'aurais fait comme j'aurais pu, mutation après mutation,
Elisabeth Capuana
(à propos de la carte XX - le jugement)
(le livre du tarot - JODOROWSKY)