VIOLET
Une photocopie en noir et blanc
des formes, des fleurs, beaucoup de fleurs,
quelque part dans cette fresque paradisiaque
comme un souffle de paradis : un oiseau, posé sur une tige, prêt à croquer dedans,
y mettre de la couleur
pas des couleurs
une couleur, unique, à choisir dans l'amoncellement des feutres éparpillés sur la table
une couleur aimée, une couleur au hasard,
ce sera le violet
ni bleu, ni noir, ni clair, ni sombre
demi-deuil
violet comme les murs de mon entrée dans les années soixante dix
violet, comme des robes, des chaussures que j'ai aimé porter
violet, comme mon parapluie, des gants, un grand gilet
je me sens bien enveloppée dans cette couleur
alors mon dessin sera noir et blanc, et violet
je parsème çà et là des petites touches de cette couleur, mélange de tant de teintes, demi-teintes
une fleur se pare de violet, elle prend vie, elle me plait
une tige se teint aussi de violet, je continue, je vais, je viens sur le dessin, de temps en temps je déborde, mon trait se fait incertain, qu'importe, j'aime bien poser ces pastilles de couleur au rythme de ma fantaisie de mon envie.
J’y vois une estampe japonaise,
j'aimerais bien un foulard avec ces motifs et cet oiseau
J'y ajouterai du vert, du jaune, du rouge, de l'orange des couleurs fortes, des couleurs de vie, des couleurs de fruits,
les couleurs de l'été que j'attends, que j'espère et qui va bien arriver un jour ou l'autre
j'aimerais le plus vite possible avant que les jours ne commencent déjà à baisser et me fassent me retrouver dans des teintes automnales, pour une nouvelle hibernation, longue trop longue à mon goût.
Elisabeth Capuana
CHABADA
j'ai repris un feutre, le violet est rentré dans sa trousse.
Je me suis ancrée dans la saison, mon feutre jaune illumine mes doigts, il court sur le papier entoure le violet, se pose un peu partout, pendant ce temps je vois, j'imagine, l'immense parterre devant de l'atelier.
Je vois des dizaines et des dizaines de fleurs de pissenlits, drues, érigées comme à la parade, trop tard pour manger les feuilles en salade,mais le spectacle serait moins beau.
Certains esprits chagrins diraient que le jardin est négligé, que le gazon aurait dû être tondu, moi, les petites, les grandes fleurs jaunes du parterre me ravissent, alors je mets du jaune partout sur mon dessin.
Si j'avais le temps, je rajouterais du vrai blanc pour simuler les petites pâquerettes qui s'abritent frileusement près des pissenlits, mais ce n'est pas dans la consigne.
Une autre fois, je mettrai le vert et le blanc, et mon dessin ressemblera à un tapis de fleurs au printemps. Ce sera beau j'en suis certaine, et puis si c'est raté je pourrai toujours faire une photo de ces fragiles et éphémères fleurs printanières qui me font venir un tendre et niais sourire au coin des lèvres.
Elisabeth Capuana