LE DIABLE
Le diable est séduisant… Diablement séduisant !
Ses cheveux blonds flottent sur de larges épaules.
Son visage avenant abrite deux yeux sombres, des diamants noirs.
Son sourire carnassier ne s’adresse qu’à moi.
Il m’a enchantée dès le premier instant.
Maintenant, une laisse invisible ceint mon cou.
Je le suis partout et commets toute chose qu’il commande.
Les notions du bien et du mal, du juste et de son contraire, sont effacées.
Mes yeux, mes oreilles ne sont sensibles qu’à son unique présence.
Lorsque je m’apprête à fuir, ses mains longues et douces arrêtent mes pas.
Perdue, pantelante, je me soumets.
Des frissons d’un bonheur éperdu et de souffrances terribles s’entrelacent, me pénètrent.
Ma respiration s’éteint. Je gis immobile durant quelques instants.
Puis, une envie de mordre survient, impulsive, libératrice !
Mireille
«L'HERMITE»
«l'hermite» de ma carte ne porte pas d'hermine
«l'hermite» n'habite pas un «hermitage»
"l'hermite" devrait être sage
barbe fleurie, vêtements sophistiqués multicolores
digne d'un carnaval
je ne connais pas la signification dans le tarot
le bâton de pèlerin rouge, et agressif
la lanterne au bout du bras, un symbole
par les chemins boisés, il va
sans but, il expie un passé qu'il voudrait oublier
je connais un ermite qui a bouleversé ma vie
il vivait justement en ermite dans la forêt, loin du monde et
des tentations
il avait été riche, il aurait pu avoir une vie facile,
vaisselle fine, fourchettes et cuillères en vermeil,
amis de sa caste, femmes et filles à ses pieds
une vie sans âme
une vie sans souci
que de faire prospérer le patrimoine familial
ermite, il a choisi
tout quitter, il n'a jamais porté les beaux atours de cet «hermite» de carte postale
Il était vêtu d'une robe de bure marron, des sandales ouvertes, sans chaussettes, quelle que soit la saison, et Dieu seul sait que si dans sa montagne l'été est chaud, l'hiver est encore plus rigoureux que dans nos banlieues.
Il était l'ami des animaux
Il s'émerveillait des fleurs
Il aimait simplement l'autre, pas pour lui, pour l'autre
humilité, piété, simplicité
la vraie vie loin de la concupiscence, de la puissance
le bonheur est dans le pré
le sien était dans sa montagne avec ses compagnons
Il s'appelait... à quoi bon le dire !
je le respecte au plus haut point
je me suis mariée dans son repaire
j'ai déposé mon bouquet dans son lit de pierre
Lit ? où il ne pouvait pas s'allonger
lorsque l'on a vécu cela
la vie ne peut être que différente
un autre regard
même si... parfois, souvent on s'égare
pour la première fois, un pape a enfin pris son nom
il était temps au bout du 266ème pape
C’était un ermite...
Pour une fois, je comprends ce que c'est qu'être un saint.
Elisabeth Capuana
LE SOLEIL
Isis, Osiris, Pharaon, Toutankhamon, Râ, Ramsès, tout
s’enchevêtre, les jumeaux
homosexuels bâtisseurs de villes, de temples, de pyramides, le soleil pleure des larmes
de chaleur, le soleil béni par tous les peuples, adulé par les Mayas, Aztèques et autres.
Bienfait pour les humains, maudit parfois.
Mais sans soleil, pas de lumière, pas de culture, nous errerions, blancs, dans des souterrains sans fond.
Le soleil qui à l’est secoue ses écharpes grises, et monte lentement dans le ciel, quel spectacle, personne ne s’en lasse. On trouve cela normal qu’il soit là, ce mastodonte qui brûle et dont l’érosion permanente est à je ne sais plus combien de degrés.
Les Égyptiens en avaient fait leur Dieu, comme ils avaient raison, ce grand disque lumineux asséchait les pluies et crues et fertilisait la terre en compagnie de cette eau diluvienne.
Les jeunes vierges n’en avaient-elles pas fait leur fiancé ? Unies au Dieu quel privilège !
Parfois l’une d’elles s’échappait de cette autorité solaire et osait s’unir à un bon terrien, mais en cachette, le Dieu voyait-il tout ? Bien sûr que non.
Ablutions, bains chauds, barques nonchalantes sur le Nil, qu’il fait bon vivre sous cette chaleur bienfaisante.
L’amant, le soleil, les jumeaux, la nudité, vais-je en rêver cette nuit ?
Sûrement, il ne m’en faut pas beaucoup pour échafauder des histoires.
Léa Messenie
XIII (l'arcane sans nom)
J'avais choisi le monde, me voici avec l'arcane, 
l'arcane de ma vie
la gueule en biais
je suis efflanquée d'avoir trop attendu
d'avoir trop donné
essoufflé, épuisée
je résiste
tout mon corps n'est que souffrance, douleur,
mais je me sens bien,
je suis arc-boutée sur mon passé
tournée vers l'avenir
j'écrase mes ancêtres de mes pieds vengeurs
tandis que de l'autre main, je leur lance une hache,
hache pour les sauver ou hache pour les décapiter encore un peu plus leur pardonner, ne pas leur pardonner
des flammes sortent de ce marigot noir de la noirceur des âmes
noir de goudron, les Indiens emplumés et goudronnés ne sont pas loin des mains, des pieds
lui et ses vertèbres tendues comme un arc
Tant de malignité, tant de désespoir, tant de...
Elisabeth Capuana
UNE FEMME NUE
Tu es mouillée Marie, déshabille-toi, fais sécher tes frusques sur ce poêle incandescent,
les brindilles brûlantes claquent, tes habits fument, repose toi, prends les jarres de thé,
assieds-toi, et regarde les étoiles en attendant que cela sèche.
Mais non la nudité ne fait pas peur, elle dérange, gêne, mais attire les regards concupiscents, Mets un voile sur les parties sacrées, et baigne tes pieds dans l’eau chaude.
Appuie-toi sur ce dossier rembourré et garni d’étoiles, l’une d’elles t’attirera peut-être et te donnera l’inspiration sublime que tu recherches.
Léa Messenie
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